A travers des articles statistiques, à travers des articles de fond aussi divers que les mutilations volontaires, le code de justice militaire, la notion de fusillés pour l'exemple, l'ambition du Prisme est de fournir un ensemble d'informations permettant aux lecteurs d'appréhender en toutes connaissances de causes et sans parti pris de notre part la problématique des fusillés du conflit 14/18. Notre but n'est pas de juger mais de présenter, d'analyser les faits, de les porter à la connaissance de nos concitoyens au sujet d'une question qui n'est pas seulement d'ordre historique mais enjeu aussi d'un débat mémoriel, encore présent aujourd'hui.

samedi 21 novembre 2015

Une catastrophe évitée : 23 condamnés à mort dans l’enfer du bois d’Ailly

     
     Prisme cherche à se dégager de l’émotion dans le traitement de la question des fusillés, épluchant la littérature administrative officielle et s’astreignant à de longs travaux statistiques qui, par nature, maintiennent à l’écart du vécu des hommes. Cependant, il sait très bien que la vérité gît aussi dans l’analyse minutieuse de la réalité sur le terrain.

Cette dernière, insolite, saute parfois aux yeux au gré de la compulsation des archives et nous fait entrer, parfois, dans la grande complexité de certaines situations. Il en a été ainsi lors de la découverte d’une lettre étonnante conservée dans les archives du cabinet du Ministre de la Guerre :


Il est intéressant de s'arrêter sur cette lettre.
L’image qu’on nous a inculqué est celle de l’isolement des combattants au front, coupés de l’arrière par la censure postale et l’absence encore en mai 1915 de toute permission depuis août 1914.

On découvre ici qu’un soldat a pris le risque d’envoyer 3 lettres, que ces dernières ont déjoué la censure et qu’elles ont informé un militant syndicaliste de Montceau les Mines d’un risque d’exécution collective. Ce dernier a réagi aussitôt, et faute de pouvoir actionner le maire, M. Bouveri, maire de Montceau les Mines et député socialiste de cette circonscription de Saône et Loire, il a alerté les représentants socialistes du gouvernement à Paris. Il faut noter la rapidité de circulation de l’information. La lettre est du 25 Mai et dès le lendemain, elle est entre les mains du chef de cabinet du ministre socialiste Guesde, Charles Dumas :


Dans la foulée, le chef de cabinet en fait part le lendemain au cabinet du sous-secrétaire d’Etat à l’Armement Albert Thomas, fatalement en contact fréquent avec le Ministre de la Guerre Alexandre Millerand. On ne s’embarrasse pas de fioriture. On trouve dans les archives un feuillet complètement griffonné à en-tête Cabinet du Sous-Secrétaire d’Etat sur lequel on déchiffre « 40 soldats qu’on fusillerait au Bois-Le-Prêtre pour indiscipline. Très urgent d’intervenir ».

Retenons cette découverte. Le front n’a pas été ce lieu isolé de tout et la sévérité de la Justice militaire n’a pas toujours été ignorée de l’arrière. De même, l’idée qu’on pouvait en appeler de l’arbitraire militaire a pu germer çà et là dans certains milieux comme ici le milieu syndicaliste.
 

Mais par le biais de quel incident, cette intervention a-t-elle été portée au plus haut sommet de l’Etat ?

Qu’est-il arrivé au 56e RI et où se trouve ce « Bois d’Ailly » mentionné dans la lettre ?

A- Rappel du contexte historique :

     Depuis la fin du mois de septembre 1914, la 15e DI s’est installée dans ce secteur du front que même les allemands surnommeront « l’enfer du bois d’Ailly ». Les 56e et le 134e RI qui composent la 29e brigade resteront dans ce coin de la Meuse jusqu’en septembre 1915 où ils seront relevés avant de partir vers un autre enfer : celui de Tahure. La ligne de front durant la guerre n’a pas énormément évoluée, la carte ci-dessous représente la situation en 1917.


Le bois d’Ailly est à l’extrémité Nord-Ouest de la forêt d’Apremont au bord de ce qu’on appelle le saillant du bois d’Ailly. Ce saillant est une hernie allemande dans le dispositif français autour de Saint-Mihiel d'où elle menace Verdun plus au Nord. Après l’échec de l’offensive de la 4e Armée en Champagne, Joffre décide d’une attaque qui débutera le 4 avril sur les 2 flancs du saillant dit de Saint Mihiel mais c’est un échec. Malgré tout, le 8e corps, dont dépend la 15e Division a obtenu un résultat encourageant en s’emparant d’un secteur du bois d’Ailly. Le général Roques, supérieur hiérarchique, commandant la 1ère Armée, voulait renouveler l’offensive mais les allemands le feront avant lui.


La 2e DI vient de remplacer la 15e DI. Le 8e RI vient de prendre la place du 56e RI quand les allemands attaquent. Cette unité perd en quelques heures tout le terrain que la 15e DI avait mis des mois à conquérir et à conserver aux prix de lourdes pertes.


On rappelle immédiatement les soldats de la 15e DI qui venaient à peine d’entamer un repos bien mérité pour remplacer la 2e DI. Les hommes du 8e RI redescendent du front sous les quolibets des autres soldats et c’est au 56e RI et plus particulièrement au 3e bataillon qu’on demande de reprendre le terrain perdu en quelques heures par le 8e RI ce qui provoque le mécontentement des soldats du 56e RI qui acceptent mal cet ordre : ce n’est pas à notre tour de marcher. Certes, le 56e s’est toujours montré brillant mais les hommes sont usés. Dans la nuit du 16 au 17 mai 1915, une trentaine de militaires quittent les rangs et s’éparpillent dans le bois Mulot. Ils sont arrêtés, 27 plaintes sont déposées, rédigées dans la journée du 18 mai, 2 jours après. En voici deux exemples :






B- Les conséquences de ces évènements :
     
     48 Heures plus tard, le général commandant la Division donne l’ordre d’informer et charge de l’enquête le commissaire Rapporteur, le Lt Vermeil. Ce dernier entend les 27 accusés et remet son rapport le 25 mai.

Notons la date. L’informateur de Merzet a de bonnes informations et il a fait diligence dès qu’il les a connues. Ses trois lettres ont dû partir dès qu’il a eu vent du motif d’inculpation. Par quels circuits sont arrivées les lettres ? On l’ignore. En tout cas, Paris a pu être saisi de ce qui se préparait au 56e RI dès le 26 mai, alors que le Conseil de Guerre ne s’était pas encore réuni. L’informateur en anticipait déjà les résultats. Nous n’insistons pas sur cette vélocité de l’information.
 
Des interrogatoires menés par le Commissaire rapporteur sort le leitmotiv suivant « Quand le capitaine a donné l‘ordre de s’équiper et de se rassembler, les hommes se sont mis à crier pour protester en disant que ce n’était pas le tour du Bataillon »
 
Un précédent inquiétant!

Une telle attitude est lourde de menaces. Un mois plus tôt, le 19 avril à 20 kilomètres de là, à Flirey, le même genre de protestation a touché une compagnie du 63e RI. Elle n’est pas sortie des tranchées quand l’ordre lui en a été donné. Le choix du commandement a été de faire passer en jugement un homme par section à désigner par leurs chefs respectifs, l’hypothèse de faire passer en jugement toute la compagnie étant inconcevable. Le procédé est néanmoins détestable, pouvant inciter, faute de responsable repéré, au tirage au sort dans cette faute collective. Cinq hommes ont été traduits en comparution immédiate en soirée. L’un deux a été acquitté mais les 4 autres : le caporal Antoine Morange, les soldats Louis Baudy, Henri Prébost, François Fontanaud sont tombés sous les balles des pelotons d’exécution, le 20 avril 1915. L’informateur doit le savoir. L’événement est récent et s’est passé dans la même zone de front.


Déroulement chronologique

1- Les accusés :
 
     Au 56e RI, cette pression pour obliger les chefs directs à fournir un coupable emblématique n’a pas été employée, car les « désobéissants » se retrouvent parmi plusieurs des compagnies du bataillon qui doit attaquer. Les deux exemples ci-dessus concernent un caporal de la 10e Compagnie et un homme de la 12e Cie. Ils sont 27, parmi lesquels 2 caporaux Marleix et Nourisson. Leur capitaine considère ces deux derniers comme plus responsables que les autres, car, gradés, ils ont eu une attitude et tenu des propos qui ont pu influencer les autres soldats.

2- Le Commissaire rapporteur :

 A l’issue de l’enquête menée auprès des 27 accusés, le commissaire rapporteur dépose ses conclusions. Elles sont réfrigérantes. Le caporal Marleix est ainsi accusé de refus d’obéissance et de « provocation adressée à des militaires dans le but de les détourner de leur devoir ». 
Tous les autres sont estimés sous le coup d’abandon de poste devant l’ennemi, donc passibles tous de la peine de mort et 17 d’entre eux sont en plus, comme Marleix, mis en jugement pour refus d'obéissance pour marcher contre l’ennemi. En simplifiant, on peut dire que 9 d’entre eux risquent la mort pour un seul motif : abandon de poste tandis que les 18 autres cumulant deux motifs d’exécution, risquent fort de ne pas attirer l’indulgence.

3- Les Juges :
 
     Rude tâche pour les juges ! Qui sont-ils ?
 
Le président du Conseil est le Lt-Colonel Superbie, chef de corps du 171e RI, alors engagé au côté du 56e dans la tentative de reconquête des tranchées perdues. Il est assisté d’un autre fantassin : le Capitaine Coudert de Foulongues du 134e RI. Les trois autres juges appartiennent à la cavalerie : Chef d’escadron Fievet, Lt du Rozet (tous deux du 16e Rgt de Chasseurs à cheval) et le Maréchal des logis Robert du 26e de Dragons.
 
On peut se hasarder à faire des observations tout en restant très prudent sur leur pertinence. Ainsi est-ce bien de faire juger ces hommes par des cavaliers qui ne connaissent qu’indirectement en général les conditions d’engagement des fantassins, sachant qu’ils disposent de la majorité des voix : 3 sur 5 ?
 
D’un autre côté, dire qu’il est mieux de faire juger des fantassins par des fantassins est une opinion qui peut être présentée sans pouvoir affirmer que cela puisse pousser ces derniers soit à l’indulgence soit à une sévérité accrue.
 
Ces juges sont choisis pour l’occasion, et sortis de leurs occupations. Ils arrivent au Conseil avec en arrière-plan la pensée de ce qu’ils viennent de quitter, pour se muer provisoirement en juges. Quelles pensées roulent dans la tête du Lt-Colonel Superbie quand il s’assoit pour présider le Conseil. A cette date, il commande la 171e RI. Ce régiment fait partie d’une brigade d’infanterie dite « de Belfort » à 4 régiments. S’il est présent au bois d’Ailly, c’est que sa brigade est arrivée le 16 mai pour prêter main-forte à la 15e DI pour reconquérir les tranchées perdues par le 8e RI. A peine arrivé, il apprend que son régiment est désigné pour lancer l’assaut le lendemain 17 mai à partir de 2 heures du matin, aux ordres du général Blazer commandant la 15e DI. On appelle cela « le coup de l’invité ». Le Lt-Colonel Superbie objecte que pour une attaque de nuit, il ne peut lancer ses hommes sans qu’au minimum ses cadres aient pu reconnaître leur terrain d’engagement. Blazer le reconnaît mais déclare qu’il est lié par les ordres du général Cordonnier, son supérieur hiérarchique qui commande le 8e CA. Ce dernier est en poste depuis peu, son prédécesseur ayant été limogé après la perte de tranchées par le 8e RI. Blazer, quant à lui, autorise Superbie à aller plaider sa cause auprès du chef du 8e CA. Cordonnier reçoit courtoisement ce dernier, lui dit qu’il partage sa façon de voir « mais que des considérations d’ordre supérieur le forcent à attaquer dans la nuit même ».
 
Il n’en dit pas plus, mais on sait de nos jours quelles sont ces motivations « d’ordre supérieur ». Le GQG ne peut tolérer ce qui s’est passé le 5 mai. En quelques heures, de nuit, 3 régiments allemands se sont jetés sur le 8e RI, absorbé dans sa prise en compte des tranchées qu’était en train de lui céder le 56ème RI. Le bilan a été éloquent, 35 tués, 156 blessés mais surtout 1202 disparus dont 2 chefs de bataillon sur trois. Les premières réactions sont arrivées : le commandant du 8e CA, Piarron de Mondésir, limogé, a cédé la place au Général Cordonnier. Dès le 9 mai, on a retiré son drapeau au 8e RI, (avant de le lui rendre après réflexion). Le général Blazer, s’il a échappé au limogeage a reçu de la part du général Joffre « des observations pour la façon défectueuse dont il avait réglé la relève de ses troupes par des unités d’une autre division ».On ne peut en rester là ! Il faut reprendre à tout prix les tranchées perdues ! Pierre Lepage, qui a fait une excellente conférence sur le sujet à Saint-Mihiel le 13 mai 2006, l’a intitulée : « Un psychodrame au bois d’Ailly ». Au-delà même du GQG, des rumeurs circulent. Le sénateur Charles Humbert, le 29 mai, s’est permis d’annoncer au Sénat que « Deux bataillons se seraient rendus à l’ennemi en chantant l’Internationale »(Poincaré, Au service de la France, Tome VI Les Tranchées, 1915, page 234).
 
Tout ce que peut faire le général Cordonnier est de mettre à disposition du Lt-Colonel Superbie des automobiles pour que les cadres devant attaquer puissent, avant la chute du jour, aller rapidement voir les objectifs d’assaut qu’on va leur donner. Le chef de corps reçoit à 17 h l’ordre d’opération qui annonce 2 attaques concentriques à mener par son régiment et un bataillon du 56e RI dans la nuit.
 
On sait que c’est cette annonce qui a entraîné dans des compagnies du 56e RI « l’évaporation » de 27 soldats.
 
L’assaut a lieu comme prévu emportant quelques tranchées, laissant entre les mains du 171e RI une centaine de prisonniers et 2 mitrailleuses. Pour faire taire ces dernières, trois commandants de compagnie ont été mis hors de combat, ainsi qu’environ 300 hommes. Dans le Journal de marche du 171e, il est dit que les unités relevées sont « rentrées dans un état de fatigue extrême ».
 
Une notation attire l’œil :
 
« En résumé, c’est le 171e RI qui avait seul mené le combat. Quant aux troupes de la 15e DI, qui, dans les attaques précédentes, avaient subi des pertes considérables, il a été impossible de les faire sortir de leurs tranchées pour nous aider à notre droite »
 
Ainsi, on aura affaire à un président de Conseil de Guerre qui va juger 27 hommes du 56e RI pour essentiellement abandon de poste en présence de l’ennemi doublé de refus d’obéissance, alors que son régiment a pu voir que le refus d’obéissance a été bien plus généralisé dans cette unité. Il pourrait en retirer une certaine animosité, surtout qu’avant le Conseil qui se tient le 27 mai, le 171e a dû réattaquer dans les mêmes conditions le 20 mai avec les mêmes résultats : gains réduits, fortes pertes (en 4 jours, 11 officiers et 500 hommes pour un régiment de seulement 2 bataillons).
 
A partir du 27, les combats sont moins durs mais, par roulement les unités du 171e tiennent le front, épuisées par les 4 jours sans repos qui ont marqué leur engagement dés leur arrivée sur zone.
 
Prisme ne peut se substituer à ce colonel. Il fait juste remarquer ce qu’est un juge militaire, tel que ce dernier qu’on imagine meurtri par les pertes occasionnées à son régiment et par l’obligation qui lui a été faite d’attaquer dans des conditions suicidaires. On n’est pas dans le fonctionnement d’audiences ordinaires civiles.
 
Qu’a-t-il pensé en voyant passer devant lui les accusés ?
 
Il faut avouer que lui et les autres membres ont été placés dans une situation de grande tension suite au réquisitoire du commissaire rapporteur. On leur présente 27 hommes, dont le commissaire rapporteur a conclu qu’ils méritaient tous la mort.
 
C’est un cas peu fréquent. En octobre 1914, un Conseil de Guerre a eu à juger 51 hommes soupçonnés par des médecins militaires de s’être mutilés, mais ces 51 appartenaient à de nombreuses unités de la 4ème Armée (Voir l’article « Condamnés à mort ou condamnés à mort par contumace, graciés ou pas, en 1914 y a-t-eu des garde-fous ») et ils n’avaient pas de liens entre eux. Ici, les 27 le sont pour une faute collective au sein du même bataillon.
 
On ne peut reprocher au commissaire rapporteur ses conclusions, car les faits sont patents. Il semble qu’il ait fait un distinguo entre ceux dénoncés comme les plus virulents et ceux qui ont suivi sans bruit, les premiers étant accusés de refus d’obéissance, les autres seulement d’abandon de poste. Si les circonstances atténuantes existaient (ce qui n’est pas le cas en 1915) la porte serait ouverte pour mettre à l’abri de l’exécution le 2ème paquet d’accusés.
 
Les 5 juges découvrent donc qu'ils vont juger dans un procès où leur marge de manœuvre est quasiment nulle.

4- Les défenseurs :
 
     Avec un tel passif, les hommes ne peuvent plus espérer qu’en les talents de leurs défenseurs. On n’a pas osé, comme en octobre 1914, à la 4ème Armée, désigner un seul défenseur d’office pour 51 accusés. Il y en a eu ici 5. Théoriquement, dès la déposition des conclusions du commissaire rapporteur, une fois désignés, les défenseurs peuvent avoir accès aux dossiers de leurs « clients » ainsi qu’aux accusés eux-mêmes. En gros, ils ont eu une journée, le 26 mai, pour se préparer, si tant est qu’ils aient pu se libérer de leurs fonctions. Il est intéressant de noter que si 4 ont été nommés d’office : un commissaire payeur, un chef de musique du 134e, deux lieutenants, un 5ème a été choisi par 5 des inculpés : il s’agit d’un Maréchal des logis d’Artillerie, nommé Guiraudet. Il semble avoir été actif, car dans certains cas, il a fait citer des témoins à décharge.
 

On sait peu de choses des défenseurs désignés d’office. On a quelques lueurs sur l’un d’entre eux : le chef de musique Trévillot. En 1915, il a 37 ans, engagé dans l’armée en 1897 comme soldat musicien. Il a, au travers de ses affectations dont 6 à La légion Etrangère acquis son titre de chef de musique de 2e classe, qui correspond au grade de Lieutenant. Il n’appartient pas au 56e, mais au 134e, régiment frère. Tout le monde ne le sait pas mais les membres des musiques de régiment ne sont pas des « planqués », car en opérations, ils occupent les fonctions de brancardiers. La citation à l’ordre de la division de ce chef de musique rend bien compte de cette réalité :
"Pour la période de 2 au 9 août 1916 a organisé et dirigé dans des circonstances difficiles et périlleuses, les équipes de brancardiers auxiliaires, leur donnant un bel exemple de calme, de dévouement et de mépris du danger"
 
Un romancier pourrait suggérer qu’un homme, au contact de la détresse humaine qu’il côtoie si souvent avec ses brancardiers, doit pouvoir se sentir motivé quand on lui demande de faire comprendre, pour les sauver du peloton, le désarroi d’hommes qui au bout de leur fatigue, ont refusé de marcher. Hypothèse que l’historien ne peut proposer faute de preuves. Tout au plus peut-on noter que, chargé de la défense de 6 accusés, l’un d’entre eux fait partie des 2 acquittés. Est-ce lui qui a été convaincant ? On ne sait.
 
Ce bref portrait est placé ici pour essayer de se figurer la charge qui tombait sur les épaules de défenseurs, non formés à cette tâche, et obligés souvent dans moins de 24 heures, de bâtir un système de défense, sans aide juridique.



5- Le Verdict :
 
     Les défenseurs ayant plaidé, la sentence  était tombée :
 
Quatre inculpés, échappaient à la condamnation capitale. Les soldats Linard et Chamfroy étaient tout simplement acquittés. Comme on ne dispose pas de notes d’audience, on ne sait pas ce qui s’est passé. Un troisième Thoral a été renvoyé à un autre jugement, par manque d’informations. Rejugé le 5 juin, il a été acquitté. Enfin un quatrième Chaudron n’a été condamné qu’à 3 ans de prison, car le Conseil a décidé de maintenir l’accusation d’abandon de poste mais l’a considérée comme "non en présence de l’ennemi", (seulement "sur territoire en état de guerre"). Un tel glissement de motif a de fortes conséquences. L’inculpé ne risquait plus que de 2 à 5 ans de prison. L'exécution de la peine du soldat Chaudron Claude a été suspendue dès le 27 mai, le jour même de sa condamnation. Transféré au 134e RI, il a reçu 2 citations à l'ordre du régiment dont une pour son action dans les combats de Fleury devant Douaumont, qui lui vaudra la remise du restant de sa peine le 4  novembre 1916. Le 29 novembre 1916, la cour d'appel de Dijon a prononcé la réhabilitation de ce soldat.
 
Les jurés n’ont accompli cette démarche que pour lui seul. De ce fait, les 23 autres, qu’ils aient été inculpés d’abandon et désobéissance ou seulement d’abandon se sont vus infliger la sanction suprême. A lire les dossiers, il semble qu’une timide ouverture avait été faite par les jurés. En effet, de par leur pouvoir souverain, les juges n’ont maintenu l’accusation de désobéissance que pour 3 des 18 pour lesquels le commissaire avait proposé ce motif.
 
Cette requalification n’a finalement rien changé au verdict. On peut s’étonner d’ailleurs de cette requalification. La lecture des actes d’accusation montre bien qu’il y a eu refus d’obéissance et on se perd en conjectures pour savoir pourquoi les jurés en sont arrivés à nier cette infraction, de fait incontestable..
 
Pour en terminer avec le jugement, on peut se poser la question de ce qu’aurait pu faire ce Conseil de Guerre confronté à un tel acte d’accusation pour trouver des arguments éloignant la peine de mort. Ils ont acquitté 3 hommes, évité la mort à un quatrième,  en se refusant à suivre les conclusions de l’enquête du commissaire rapporteur. Si nous essayons de nous mettre à leur place, compte tenu du cadre contraignant du Code de Justice militaire, qu’aurions nous fait ?
 
Il faut noter toutefois qu’aucun des condamnés ne l’a été à l’unanimité. 18 d’entre eux l’ont été par 4 voix contre 1 et les 5 derniers l’ont été à 3 contre deux dont Nourisson que son capitaine présentait comme un meneur. Est-ce un des 5 jurés qui a ainsi exprimé sa désapprobation radicale ou plusieurs selon les cas. ? Impossible à dire.

6-  Des Juges qui sortent de leur rôle : 

     Aussi, et peut-être plus intéressant à noter, est un fait qui a surpris le général commandant la 15e Division : les 5 jurés ont demandé la grâce. Courante à partir de 1916, cette initiative en 1915, où les consignes sont de limiter à l’exception le recours à la grâce, est tout à fait, alors, inhabituelle. Elle est même illégale. Dans le cas de la IVème Armée en octobre 1914, la demande, (certes volumineuse : pour 20 condamnés), avait été faite par le Commandant de l’Armée, pas par des juges, demande tout à fait en concordance avec les stipulations du Code de Justice militaire.
 
Le Code de Justice militaire dit en effet que seul le commandement dispose de cette prérogative. Il n’évoque pas la possibilité pour les juges de demander directement la grâce.
 
Cette réaction, insolite en 1915, même si on en a repéré déjà quelques-unes en 1914, est le premier signe du destin qui a pu laisser croire aux condamnés que l’exécution leur serait épargnée.
 
Cela pouvait rester toutefois un vœu pieux, car le général qui avait donné l’ordre de jugement, d’après le Code, avait toute latitude pour ordonner l’exécution ou la suspendre.
 
Après le passage devant les juges, après les plaidoiries, le verdict, le sort des accusés dépendait donc de la façon dont le général concevait l’exercice de la discipline.

7- Un général soucieux de faire des exemples : 

     Le passé du général Blazer ne militait pas pour de la mansuétude.
 
Avant de commander la 15e DI, il avait été à la tête de la 27e DI de Grenoble. Sur son ordre, après jugement, les chasseurs Pascal Joseph, Royer Lucien, Soulier Jean-Pierre et le soldat Sayer Edouard avaient été fusillés le 5 septembre 1914 à Rouges-Eaux dans les Vosges. De son propre chef, il avait institué, de plus, une cour martiale, alors illégale début septembre, qui lui avait fourni 24 condamnations à mort pour des hommes, soupçonnés, comme les 4 fusillés, de mutilation volontaire. Se donnant des gants, il ne les avait pas fait fusiller, « trouvant inopportun de faire fusiller 24 soldats qui représentent une force notable à ce moment où nous devons utiliser toutes nos ressources ». La précision est importante. Ce n’était pas une sensiblerie déplacée qui avait motivé sa décision.
 
Dès l’annonce du verdict le 27 mai, il prenait sa décision. Il la communiquait téléphoniquement au général Cordonnier le lendemain matin : en fusiller trois ou 4, et constituer avec les autres une section d’attaque, à lancer à l’assaut le plus tôt possible. Ces derniers n’échappaient au poteau d’exécution que sous forme d’un jugement de Dieu. Lancés sur l’ennemi, ceux qui en réchapperaient auraient la vie sauve. On mesure bien le malaise qui s’empare de nous quand on évoque cette manière déguisée de procéder à des exécutions sommaires, même s’il y avait eu jugement. A Flirey, on n’avait proposé que 5 soldats au jugement pour toute la compagnie avec 4 exécutions à la clef. Blazer proposait le même nombre d’exécutions (3 ou 4), mais en plus, il envoyait au feu, « pour se racheter » les 19 autres.
 
Il n’y avait plus qu’à convoquer les pelotons d’exécution pour l’après-midi.
 
Au lieu de cela, ce fut un document différent qu’il se résolut à adresser à son supérieur hiérarchique, document enregistré au bureau du courrier du 8e CA à 16 h :

 

Blazer change d’avis mais maintient sa décision de lancer sa section suicidaire. Que s’est-il passé, pour qu’un général, manifestement peu regardant sur le respect des procédures de justice, semble ainsi saisi de doute et demande d’être couvert par son supérieur ?


8- Un commissaire rapporteur  soucieux du droit : 

     Les accusés doivent une fière chandelle au commissaire rapporteur, celui qui, pourtant, par son réquisitoire, avait mis les juges dans une situation telle qu’ils ne pouvaient conclure qu’à la peine de mort.
 
Ce dernier âgé de 35 ans, né à Lyon, licencié en droit, est dans le civil avocat à Bourg en Bresse. Après une longue période à la 15e DI, il sera nommé en octobre 1917 commissaire rapporteur à la 45e DI, puis au QG de la 8e Armée et enfin au QG de la 10e Armée. Habitué aux recours en grâce dans la justice civile, il ne peut que réagir devant la volonté de Blazer d’exécuter des condamnés en ignorant le souhait des juges de demander une commutation de peine. Cela lui paraît un abus de pouvoir. Aussi, armé de ses souvenirs, met-il en avant un article du temps de paix de 1888, qui stipule la transmission automatique des demandes de recours en grâce formulées par des juges. Il a réussi ainsi à troubler Blazer. Si ce dernier avait été bien au courant des procédures, il aurait pu rétorquer que cet article n’apparaissait pas dans le Code militaire et il aurait pu lui citer le décret du 1er septembre 1914 :


Il n’y a nulle place dans ce texte pour l’intervention des juges, mais, Blazer, vraisemblablement peu sûr de lui, n’ose pas croiser le fer avec son commissaire rapporteur.


9- Le général Cordonnier, supérieur  du général Blazer, bloque toute exécution :

     Le général Cordonnier réagit rapidement à cette lettre :


L’ordre est clair et le conseil donné, impératif, laissant percer un doute du général sur la connaissance des textes réglementaires par Blazer. Prudemment, il évite de commenter les dépêches citées si ce n’est par l’expression : « il me semble.. »
 
Voici ce que disent ces dépêches :

11 Octobre 1914


13 Novembre 1914


Il faut noter que les textes qu’il cite en référence, martèlent la conduite à tenir, la confirment et ne mentionnent aucunement la possibilité donnée aux juges de proposer une demande de grâce. On peut imaginer que, prudemment, Cordonnier n’a pas relevé cette impossibilité, soucieux qu’il était tout d’abord d’interrompre, tant qu’il était temps, les initiatives, à ses yeux intempestives, de Blazer. On peut en voir la preuve dans le deuxième message envoyé qui interdit, de manière conservatoire, la mise sur pied de la section spéciale d’attaque :


« Condamnés par Conseil de Guerre du 27 mai ne doivent sortir sous aucun prétexte de la prison comme il avait été prévu par la lettre 240/S du 28 mai 1915 de M. le général Commandant la 15e Division »


Ceci étant, Blazer annonce, sur le conseil de son commissaire rapporteur, qu’il transmet les dossiers de grâce. Il en a le droit, en « tant qu’officier qui a ordonné la mise en jugement », au seul risque de se faire rappeler qu’il ne peut le faire que pour des cas exceptionnels. Sa position est quand même singulière. Il le fait sous la contrainte, se sentant obligé de respecter la procédure que lui a indiquée son commissaire rapporteur.
 
Cordonnier, qui vient depuis peu de prendre son commandement et ne connaît pas bien ce que pourront être les réactions de son supérieur hiérarchique, transmet les dossiers à ce dernier et cherche, une fois les soldats mis à l’abri des réactions impulsives de Blazer, à inciter le général commandant l’Armée à ne pas rejeter brutalement la requête non autorisée des juges, même si elle n’est pas autorisée explicitement par le Code de Justice militaire :
« Aux termes des circulaires du 1er septembre 1914 n° 287 2/10 M. du 11 octobre n° 2275 et du 13 novembre n° 2832, les propositions de commutation de peine ne doivent être transmises qu’exceptionnellement si l’officier qui a ordonné la mise en jugement croit devoir les présenter. Ces circulaires ne visent pas le cas où les membres du Conseil de Guerre prennent l’initiative du recours en grâce, et ne précisent pas si, dans ces conditions, l’officier qui a prononcé la mise en jugement peut passer outre et décider l’exécution immédiate. Dans le doute sur cette interprétation, j’ai cru devoir transmettre toutes les propositions de recours en faveur des militaires du 56e RI condamnés à la peine de mort, les membres du Conseil de Guerre ayant présenté pour chacun d’eux un recours en grâce »



10- Controverses entre généraux :
 
     Cet appel à une humanisation des décisions ne rencontre aucun écho chez son supérieur, qui refuse d’entrer dans ce débat et se contente d’exiger d’en rester à ce qu’en disent les textes :


Le général Roques, commandant la 1ère Armée, sans doute bien conseillé par son commissaire rapporteur, rappelle brutalement quel aurait dû être le comportement du général Blazer. Ce n’est pas encourageant pour les accusés. En effet, Roques rappelle qu’en cas de flagrant délit, on aurait dû faire un jugement immédiat, sans instruction préalable. C’est réglementaire, mais il faut bien reconnaître le danger d’une telle mesure dans le cas d’un refus collectif. Sans instruction préalable, contradictoire, ne reste plus que la parole de celui qui a déposé la plainte. Comment soutenir qu’une telle absence de garantie pour la défense n’ouvre pas la porte aux erreurs judiciaires ?
 
Au 63e RI, à Flirey, les condamnés avaient été jugés ainsi par le Conseil de guerre spécial de ce régiment.
Blazer, qui se sent désavoué, se rappelant peut-être ce fait, va essayer de reporter sur le chef de corps la responsabilité de ne pas avoir fait juger rapidement les désobéissants, en flagrant délit, comme au 63ème RI.
 
Interrogé, le chef de corps, le Lt Colonel Duchet présente sa position à ce sujet le 1er juin :


On ne peut lui donner tort.
 
Quant à la transmission de recours en grâce par les juges, Roques ne saisit pas la perche que lui a présenté Cordonnier. Cette demande est pour lui non recevable.

Disons que Blazer a eu raison trop tôt. Quelques mois plus tard, il n’aurait pas eu à subir cette remarque, fort de la note ci-dessous :


Notons au passage que ce point de droit, soulevé en mai 1915 par Blazer et Cordonnier, important parce qu’il peut permettre de sauver des vies, n’a été clarifié qu’en octobre 1915, un semestre plus tard. Le Commandement et le Ministère de la Guerre ne se sont pas pressés.
 

Si l’on en revient aux observations de Roques du 1er juin, elles n’annoncent donc rien de bon pour les condamnés. Ce général, s’il admet la demande de commutation pour ceux des condamnés qui ne se sont fait remarquer jusque-là qu’en bien, insiste pour qu’il soit fait un exemple avec les « meneurs » terme flou, mais mortifère quand on en affuble un soldat.
 

On peut donc dire qu’après cette lettre du 1er juin, la tentative de sauvetage du général Cordonnier est en train d’échouer, car, au fond, Roques, face à des demandes de grâce rédigées par des juges, acte non autorisé alors, se refuse de transmettre ces grâces et renvoie les dossiers au général Blazer. A l’énoncé de cette lettre, Blazer pourrait revenir sur sa position antérieure et faire fusiller par exemple ceux estimés par lui « meneurs » puisque le Général Roques, sans le lui ordonner, le lui conseille.
 

Manifestement irrité de la façon dont on lui fait la leçon, Blazer ne prend heureusement pas cette décision et consacre plutôt son énergie à montrer premièrement que c’est lui qui a raison contre le chef de la 1ère Armée et que deuxièmement il n’a fait qu’appliquer les conseils du général Cordonnier.

Il rappelle ainsi qu’initialement, il avait agi en conformité avec la procédure rappelée par le général Roques mais que :

Cette réponse transite naturellement par la voie hiérarchique. Le général Cordonnier, donne cette fois ci son avis au passage, avant de transmettre :


Cette réponse est habile, prudente. Dans cette affaire le général Cordonnier veille à ne pas se laisser entraîner dans cette querelle, dans laquelle, par entêtement, le général Blazer s’enferre, croyant disposer avec son commissaire rapporteur d’un meilleur expert que celui de la 1ère Armée. En même temps, il ne prend pas position sur le fait que Blazer ne respecte pas l’exceptionnalité dans les demandes de grâce et que ces dernières ne l’ont pas pour origine mais sont le résultat d’une demande des juges. En dépit du premier refus de Roques de prendre en compte les demandes des juges, et d’écouter ses arguments, Cordonnier renvoie les demandes, en considérant que c’est à son supérieur de trancher.
 

En cette date du 2 juin, l’avenir des condamnés s’assombrit particulièrement et, à première vue, sans intervention extérieures, le piège se referme.
 

C’est d’autant plus frustrant que, grâce à plusieurs actions humaines, le pire avait pu, jusque là,  être évité.
 

La première, insolite dans l’ambiance répressive de 1915, avait été celle des juges qui, unanimement, avaient demandé la grâce. La deuxième avait été l’œuvre du commissaire rapporteur, qui avait réussi à faire douter le général Blazer de l’omnipotence de son pouvoir, le persuadant (à tort, en temps de guerre) qu’il ne pouvait passer outre à une proposition des juges. La troisième, d’une manière générale, était à mettre au crédit du général Cordonnier. Tout, dans son attitude, a montré qu’il désapprouvait cette façon de traiter les hommes. Le général Diez, Commandant l’artillerie du 8e CA, qui le côtoie fréquemment, et qui est assez méfiant envers lui, concède sur son carnet : « je dois reconnaître que c’est un chef qui aime sincèrement le soldat et qui a su ramener la confiance dans le Corps d’Armée »
 

Le sort des condamnés est dès lors entre les mains de Roques, après la transmission, après un premier refus, des dossiers au commandant de la 1ère Armée. Si ses conseils de sa note du 1er Juin sont suivis, il ne reste plus qu’à ériger 3 à 4 poteaux d’exécution.
 

Intrusion du contrôle politique ! 


C’est de Paris qu’arrive le déblocage le 31 mai, par l’intermédiaire d’une dépêche réceptionnée à 21 H 30 à Chantilly, siège du GQG :


On suppose qu’une certaine agitation a dû avoir lieu à Paris avant le départ de ce télégramme, envoyé à la hâte comme l’indique la fin du message « si ce n’est pas trop tard ».
 

En fait, l’autorité politique vient de se saisir de cette affaire et en dessaisit de fait tant le GQG que le général Roques. On peut imaginer l’étonnement de ce dernier en apprenant que la condamnation, non encore transmise par voie hiérarchique, était connue à Paris. Il a dû recevoir la dépêche le 1er juin après avoir envoyé sa note datée de ce jour et alors qu’il en préparait certainement une nouvelle dont on ne voit pas pourquoi elle aurait rompu avec la sévérité de la première qui préconisait des exécutions pour l’exemple.
 

On ne dispose pas de sources pour savoir ce qui s’est passé à Paris entre le 27 et le 31 mai. Le Ministère de la Guerre, saisi, a dû alerter le Président de la République, car il ne pouvait, à son niveau, statuer sur la vie ou la mort des soldats du 56e RI. Décision a manifestement été prise, tout d’abord, d’empêcher toute exécution.
 

La course contre la montre lancée par Merzet a payé.
 

Face à cette décision politique, Roques comprend que la donne a changé. On ne peut que supputer qu’il en a alerté Cordonnier mais certainement pas le rigide Blazer.
 

On a affaire ici à deux généraux qui ont conscience du fait que l’armée est une institution subordonnée au pouvoir politique. L’intrusion de la décision politique concernant l’affaire des condamnés du 56e RI est prise en compte. Nul désir chez eux de se lancer dans une joute avec la Présidence de la République. On ne sera pas surpris d’apprendre en mars 1916 que le général Roques a été proposé par le Président du Conseil pour remplacer comme Ministre de la Guerre le général Gallieni. Il l’a dû certainement à sa réputation.
 

Entre ces deux généraux, réputés ouverts au monde politique, va se jouer alors la comédie des apparences pour se plier à la décision politique, tout en faisant croire à une décision prise au sein de l’Armée. L’objection sur la faute commise, en relayant les demandes de grâce des juges, disparaît des échanges épistolaires. La question va se régler dorénavant entre la 1ère armée et le pouvoir politique, sans risque d’ingérence du GQG. Le général Cordonnier commence par relativiser la faute de ceux qui ont refusé de marcher, en mélangeant leurs cas avec ceux d’autres qui viennent de faire de même quelques jours plus tard. On ne parle plus de menaces de conseil de guerre :


11- Le Président de la République s'invite :

L’importance que le politique attachait à ce que l’affaire du 56e RI soit traitée avec doigté, est apparue clairement au général Roques quand il a appris que le Président de la République viendrait, comme par hasard, en compagnie du général Joffre, passer une tournée d’inspection dans le secteur de la 1ère Armée à compter du 6 juin.
 

Le général Roques s’est hâté, dés lors, de faire son compte-rendu au GQG. Il existe un long document au brouillon rédigé le 3 juin qui indique que le général a étudié de très près la situation et ses conséquences. Le 4 juin, il en a tiré une lettre très étudiée où il présente la situation et ses propositions :


On ne sait si, en écrivant cette note il l’a fait en accord avec le cabinet militaire du Président. Mais, elle va bien dans le sens que souhaite le pouvoir politique. La rigueur glaciale de la note du 1er juin a laissé place, du fait de l’intervention parisienne, à une position toute de recul devant l’événement.

On assiste alors à un effet de manche. Les décisions ont été prises à Paris mais le Président ne résiste pas à proposer une jolie histoire à ce sujet dans ses Mémoires.



Ceci est admirable, ce Président qui, découvre cette situation et qui, dans l’instant, sans connaître les dossiers, use de son droit régalien de grâce, en devisant avec 2 généraux.
 

On est là dans la politique de communication. On parle de nos jours en franglais de « storytelling ». Le général Roques joue le jeu :


Ce faisant, sa manière intelligente de comprendre les relations militaro-politiques, son souci de faire jouer le beau rôle au Président de la République, a pu jouer, comme évoqué plus haut, quand, au printemps 1916, il s’est agi de trouver un successeur au général Gallieni, comme ministre de la guerre, compétent militairement et apte à se mouvoir dans le monde politique.
 

Dès lors, tout s’enchaîne.
 

Le 10 juin, le Président signe à Paris la commutation de peine pour les 23. Le Président ne s’est donc pas arrêté à la distinction faite par Blazer entre le groupe de 19 et les 4 autres qu’il estime plus coupables mais a entériné la proposition de Roques de ne pas faire de distinction. Toutefois apparaît une différence dans la durée de la peine, pour certainement, indiquer qu’on n’a pas ignoré la prise en compte du choix de Blazer. Les 19 sont collectivement frappés de 10 ans de prison tandis que Coisy, Alacoque et Mouton écopent de 15 ans et que la peine du caporal Nourisson est portée à 20 ans.



On notera toutefois la modération de la décision, tant pour le 1er groupe que pour celui qui, lui, aurait dû passer devant un peloton d’exécution.
 

Le décret daté du 10 juin a dû parvenir dans les jours suivants à la 1ère Armée. Les condamnés en ont été informés le 17 juin :


Blazer continue alors à jouer les trouble-fêtes. Cette décision, inattendue pour lui, le hérisse. Il traduit sa désapprobation par son refus de céder à la suggestion de Cordonnier, qui lui propose de prononcer des suspensions de peine pour tous les graciés.


Ceci étant, Blazer va perdre rapidement cet air bravache. Conseillé ou pas, il commence à comprendre que son entêtement est contre-productif, peut se retourner contre lui et qu’en définitive des décisions ont été prises sans qu’il en soit mis au courant.
 

Pour en avoir le cœur net, il décide de passer par-dessus le général Cordonnier, qui, pour lui, fait écran, pour en appeler au sentiment du général Roques, qu'il ne  veut pas indisposer à son égard.
 

Pour ce faire, il court-circuite la voie hiérarchique, en faisant téléphoner discrètement à un officier en qui il a confiance, membre de l’état-major de Roques. Il le fait le lendemain de sa lettre de non-recevoir adressée à Cordonnier le 16 juin.
 

Cet officier a transcrit l’appel, avec les approximations d’une conversation téléphonique :


On retrouve ici le niveau vacillant de connaissance du général Blazer en matière de Justice militaire. Ce dernier envisage de remettre des peines alors que seul le Président de la République le peut. De même il évoque le sursis alors que le sursis n’est pas admis en temps de guerre en 1915.
 

A 17 h, arrive la réponse :


Blazer, devant cette réponse inhabituelle (d’habitude les subordonnés plaident plutôt pour la clémence tandis que le haut commandement se révèle impitoyable), comprend enfin qu’il doit changer rapidement d’attitude, et qu’il vaut mieux qu’il ne remette pas trop en cause le souhait du Président de la République.
 

Pour ne pas perdre totalement la face devant Cordonnier, il transige en accordant la suspension de peine à ceux qui ont eu 10 ans et en la refusant aux quatre qu’il voulait faire fusiller.



Tout ceci convient parfaitement au général Cordonnier, qui transmet, dans la foulée, en l’approuvant, ce changement de point de vue.


A partir de cette situation globalement satisfaisante, le général Cordonnier veille à ne pas l’envenimer en ne relevant pas la décision de refuser la suspension de peine à ceux dont la peine a été commuée en 15 ans ou plus.
 

La décision de suspension des 19 a été signée par Blazer le 25 juin, comme en témoigne l’inscription portée sur les dossiers des condamnés, comme ici sur celui de Picard.


Ce soldat comme les 18 autres suspendus, a été transféré dans une autre unité.

C- La croisée des destins :
 

     Que sont devenus ces soldats promis à la mort par le général Blazer ?
 

Tout d’abord près d’un sur trois a succombé pendant la guerre. Une éventualité dont avait été conscient Raymond Poincaré quand il avait gracié :
« Mais est-ce la vie que je leur rends? ou ne sont-ce pas, hélas! de nouvelles occasions de mort ou de mutilations? »
 

On peut rappeler leur mémoire :
 

Le premier tué a été Alcide Housset à Perthes le 15 octobre 1915. Il a été suivi de près par le caporal Ernest Marleix, considéré comme le responsable de la désobéissance par son capitaine. Avant de perdre la vie à l’ouest de Tahure le 23 octobre 1915, ce dernier avait eu le temps d’être cité à l’ordre du régiment le 12 avril 1915.
 

Les combats de Verdun ont été fatals à 2 d’entre eux.
 

Le soldat François Menand est tombé le 1 août 1916 au bois de Vaux Chapitre. Le 5 du même mois, c’était au tour d’Antoine Robinet près de Fleury devant Douaumont.
 Arsène Picard, quant à lui, après avoir été cité à l’ordre de l’Armée, était tué le 30 août 1916 au saillant Zeppelin à Reillon en Meurthe et Moselle.
 

Le 6ème et dernier Félix Chalassière est décédé des suites de ses blessures le 2 septembre 1918. Il a été cité lui aussi à l’ordre de l’Armée.
 

Bien évidemment, tous les six ont été déclarés « Morts pour la France »
 

Trois sur six des tués  avaient donc été remarqués pour leur courage. 

Parmi les survivants, 6 autres ont aussi été décorés Le soldat Jean-Baptiste Macé devenu caporal, a été cité à plusieurs occasions et a été décoré de la médaille militaire en 1928. Le soldat Joanny Bonnot a été décoré de la croix de guerre en 1919. Le soldat Emile Debeaumarché blessé en juillet, a été cité à l’ordre du régiment en octobre 1918, il a reçu la médaille militaire en 1935. Le soldat Gabriel Chevrier a été cité 2 fois à l’ordre du régiment en août 1916 et mai 1917, il a reçu la croix de guerre. Le soldat Georges Veyrat a été cité à l’ordre du régiment en octobre 1918, il a reçu la croix de guerre. Le soldat Fernand Luis a été cité 2 fois à l’ordre du régiment en février et novembre 1917.
 

Logiquement, ils ont été, de droit, réhabilités.
 

Quatre ont connus la captivité.
 

Jean Gaudillat n’a pas joui longtemps de sa liberté recouvrée, le 25 juin 1915. Dans ce même Bois d’Ailly, il était capturé dès  le 7 juillet. Marcel Boulay a été fait prisonnier le 28 mars 1917 à Maisons de Champagne, Bourgeois Charles a été fait prisonnier le 3 juin 1918 à Cuvilly. Passé au 10e RI, Marcel Chausson a été fait prisonnier le 5 août 1916 à Fleury devant Douaumont.
 

Tous les quatre ont survécu et ont retrouvé la France entre décembre 1918 et janvier 1919. Ils ont été amnistiés (loi du 29 avril 1921).
 

Alphonse Mallet aura un destin hybride. Réformé en mai 1916, il sera rappelé à l’activité toutefois en 1918.
 

Du soldat Charles Boulicault, on sait qu’une fois gracié, il a été transféré au 10e RI, au 85e RI au 33e RIT puis au 5e RG en octobre 1918. Il est décédé en 1922.
 

Il faut noter que tous ces condamnés en étaient à leur première condamnation. La longue fréquentation par Prisme des dossiers de condamnés fait apparaître chez les fusillés un taux élevé de soldats récidivistes. Ce n’est pas le cas ici.
 

Un fois renvoyés dans la troupe, les condamnés du 56e RI ne se sont dans l’ensemble plus jamais fait remarquer, si ce n’est en bien.
 

Un seul a eu à nouveau maille à partie avec la Justice. Il s’agit de Bourgeois Rodolphe, qui a été condamné le 10 juin 1916 à 10 ans de travaux Publics pour désertion. Emprisonné, il est décédé le 22 mars 1918.
 

Quant aux quatre dont Blazer a refusé la suspension, ils ont rejoint en Afrique du Nord leurs lieux d’incarcération.
 

Mouton Gabriel a été détenu dans l’établissement pénitencier du Kouif en Algérie où il a contracté un engagement volontaire pour la durée de la guerre le 22 novembre 1917, au 134e RI. Les soldats Nourisson Jean Claude et Alacoque Jean Marie, détenus à la maison centrale de Lambèse en Algérie, ont fait une demande de retour au front. Le directeur de la maison centrale sollicité, a indiqué alors que « ces soldats ont eu jusqu’à ce jour une excellente conduite en détention. Ils paraissent susceptibles de bénéficier de la mesure de faveur qu’ils sollicitent ». Le 4 février 1918, le soldat Nourisson est affecté au 134e RI. Cité à l’ordre du régiment et à l’ordre de l’Armée en juin 1918, il a été tué le 22 août 1918 à Caisne et a été déclaré MPLF. Le 22 avril 1918, le soldat Alacoque est arrivé au sein du 10e RI. Blessé, il a été cité à l’ordre du bataillon et du régiment et a été décoré de la croix de guerre.
 

On a moins d’informations sur le quatrième. Le soldat Coisy Albert a été également détenu à la maison centrale de Lambèse. Il a bénéficié de la loi d’amnistie de 1921.
 

Les soldats Alacoque et Mouton seront déclarés « réhabilités» en 1919.
 

Ainsi au moins trois des « dangereux meneurs » du général Blazer, sont revenus volontairement au front et deux d’entre eux y ont été cités en exemple pour leur courage, après avoir échappé à l’exécution « pour l’exemple »mais pas à la mort au combat pour l’un d’entre eux.
 

D- Une façon de rendre la justice qui ne pouvait durer :
 

     Il n’est nul besoin d’insister sur les limites de la justice en temps de guerre, quand elle condamne « pour l’exemple ». Les 4 hommes promis à la dégradation militaire, à l’exécution devant leurs camarades, ont su surmonter l’angoisse et la démoralisation causées par l’annonce de leur prochaine exécution et ont tous combattu sans arrière pensée ensuite. Les 19 autres, regroupés dans une section promise à une attaque suicidaire, ont eux aussi tenu leur place durant encore trois longues années.
 

Les évènements du 16 au 17 mai 1915 auraient pu se terminer d’une manière dramatique pour tous ces citoyens-combattants. Découragés et soulevés d’amertume à l’idée d’être obligés de devoir remonter en ligne pour reprendre le terrain perdu en une nuit par ceux qui étaient venus les relever, leur réaction d’indignation a failli leur coûter la vie.
 

A l’issue de la description de cet épuisant parcours d’un dossier où la vie de 23 soldats a tenu à la survenue d’initiatives humaines qui ont réussi à contrecarrer un processus qui, sans ces dernières, les menait inéluctablement à la mort en piétinant leur honneur, il est possible d’émettre quelques commentaires. Tout d’abord, il faut noter que la condamnation à mort de 23 soldats s’est peu retrouvée durant la guerre. On a signalé qu’en mai 1915, il s’agissait du deuxième cas, le premier s’étant déroulé en octobre 1914 avec 33 condamnations à mort suivies de 13 exécutions. On ne retrouvera plus de tels niveaux qu'épisodiquement à Verdun et surtout pendant les mutineries de 1917.
 

S’il s’agit d’un dossier atypique, il est en même temps, très représentatif de ce que peut être le concept de « fusillé pour l’exemple ». Ici, suite à une période de flottement dans la discipline, le commandement en était venu à l’idée que l’exécution de quelques hommes devant leurs camarades conviés à cette cérémonie, était le moyen adéquat pour leur rappeler que sous l'uniforme "l'obéissance se devait d'être entière et la soumission de tous les instants, que les ordres devaient être exécutés littéralement, sans hésitation ni murmure", comme cela était indiqué sur leur livret militaire.
Certains cadres savaient bien que le mouvement  d'humeur  à l'origine de la désobéissance  trouvait sa source  dans la fatigue et le mécontentement devant la manière dont le combat se menait sur le terrain : des mois et des mois dans la boue et des gains de terrain dérisoire, sitôt acquis, sitôt repris par l’ennemi.
 

Le général Diez a noté sur son carnet le 15 mai 1915 :
« Mais quand le Haut Commandement connaître-t-il l’état moral de la troupe ? de ces braves gens qui ne sont plus capables d’un effort après l’abus qu’on a fait d’eux. »


Il est donc clair que la tenue du Conseil de Guerre du 27 mai ne pouvait condamner à mort que des hommes pas plus coupables que d’autres.
 

On retrouve ici les mêmes caractéristiques qui ont abouti à l’exécution des 6 soldats de Vingré, des 4 caporaux de Souain, des 4 fusillés de Flirey, tous réhabilités après-guerre.
 

Néanmoins, on ne peut généraliser à tous les jugements cette façon de faire. Prisme montrera dans de futurs travaux qu’il faut avoir en tête qu’on ne peut dire que tous les fusillés l’ont été pour l’exemple.
 

Il suffit de se plonger dans la lecture des dossiers de fusillés mis en ligne sur Mémoire des Hommes pour s’en rendre compte.
 

Comme l’a proclamé la petite fille de Lucien Bersot fusillé en 1915, popularisé dans le film « le Pantalon rouge », en janvier 2014 lors du colloque sur les fusillés à l’Hôtel de Ville de Paris, Prisme de ce fait est fermement opposé à la réhabilitation collective des Fusillés de la Grande Guerre. On ne peut amalgamer des cas aussi divers que ceux que l’on découvre à l’étude. On peut déplorer la dureté des peines infligées, mais on ne peut considérer comme des bagatelles certains agissements, souvent maintes fois répétés qui ont mené leurs auteurs, dûment prévenus, à une issue fatale.
 

La distinction est à faire au cas par cas initialement, sur dossiers.
 

Ceci étant, le lecteur en conviendra, il existe dans l’affaire du 56e RI un ensemble de faits difficile à imaginer même pour un romancier.
 

Un observateur impartial n’aurait pu donner que peu de chances à la tentative audacieuse de l’informateur de Merzet, à une époque où la justice militaire avait les coudées aussi franches, protégée par le voile d’opacité qui empêchait le politique de savoir ce qui se passait sur le front.
 

A joué en faveur des accusés, le fait que 16 étaient originaires de la 8e Région militaire dont 12 du département de la Saône et Loire. La proximité du leader syndicaliste et du député-maire de Montceau-les-Mines, les liens politiques avec les dirigeants socialistes du gouvernement, ont fait que cette tentative a pu franchir des obstacles qui auraient dû rester infranchissables, à une période où le pouvoir politique avait délégué le droit de vie et de mort au Haut-Commandement en s’interdisant d’intervenir dans les décisions de Justice militaire.
 

Sans l’intervention présidentielle, obtenue de façon improbable, on n’aurait eu pu qu’à déplorer un gâchis, un gaspillage démoralisant de vies humaines.
 

Ce système de justice, dans son fonctionnement, sans droit d’appel, mettant l’accent sur la hâte dans la décision, au risque de prononcer des jugements d’opportunité sans garde-fous, fait penser à un funambule  cheminant  sur un fil sans dispositifs antichute. Seul ici un dispositif  humain d'urgence a pallié cette absence,  voulue par les textes, de dispositifs de sauvegarde.
 

Certains députés le découvrant vont très vite en 1915 tout faire pour sortir de ce simulacre de procès équitable. Au cours d’une audition au sein de la Commission de la législation civile et criminelle, en septembre 1915, en présence du Président du Conseil, Viviani, le député Ernest Lafont fit ressortir qu’on n’était plus dans l’état de droit.
 

Alors qu’un autre député Pierre Berger lui objectait : « Si vous supprimez la Cour martiale complètement, vous allez tomber dans une erreur très grave ; vous laisserez à tout gradé le droit absolu de vie et de mort sur ses subordonnés, sans aucun jugement, même celui de la Cour martiale », il répondit calmement « J’aime mieux cela »
 

Par cette provocation, il dénonçait l’hypocrisie de ceux qui voulaient faire croire que la justice militaire qui jugeait des soldats-citoyens, était un clone de la justice civile.
 

Pierre Lafont a été l’un des fers de lance de ces députés qui ont abouti à ce que 3 mois après cette passe d’armes, la chambre des Députés, le 10 décembre 1915, a voté à l’unanimité une proposition de loi limitant l’arbitraire dans le fonctionnement de la justice militaire, imposant les circonstances atténuantes, signifiant par là que ce qui s’était passé depuis le début de la guerre était considéré comme insupportable par la représentation nationale et qu’elle souhaitait qu’on y mette fin au plus vite.
 

Le fait que cette décision n’a pu être mise en œuvre qu’en avril 1916 n’a été dû qu’à l’opposition du Sénat.
 

A la suite de notre précédent article intitulé « Condamnés à mort ou condamnés à mort par contumace, graciés ou pas, en 1914 y a-t-il eu des garde-fous ? » qui est le premier volet du cycle d’articles consacré à cette thématique, le Prisme entame ici l’année 1915 à travers cet encart spécial dédié au dossier très particulier des 23 soldats du 56e RI qui justifie un article à lui tout seul.

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Rajout en date du 23/11/2015:
On pourra compléter l'article ci-dessus par une lecture du Hors-Série n°4 disponible sur le site de l'association "Pour ceux de 14" (Association de passionnés travaillant autour des régiments de Chalon sur Saône) qui aborde aussi l'affaire du Bois d'Ailly de manière très documentée:

http://www.pourceuxde14-regimentschalonsursaone.fr/actualites/28-l-echo-de-l-association-pour-ceux-de-14-hors-serie-n-4-mai-2015.html