A travers des articles statistiques, à travers des articles de fond aussi divers que les mutilations volontaires, le code de justice militaire, la notion de fusillés pour l'exemple, l'ambition du Prisme est de fournir un ensemble d'informations permettant aux lecteurs d'appréhender en toutes connaissances de causes et sans parti pris de notre part la problématique des fusillés du conflit 14/18. Notre but n'est pas de juger mais de présenter, d'analyser les faits, de les porter à la connaissance de nos concitoyens au sujet d'une question qui n'est pas seulement d'ordre historique mais enjeu aussi d'un débat mémoriel, encore présent aujourd'hui.

jeudi 13 novembre 2014

De la responsabilité politique dans la question des fusillés pour l’exemple.


       Le travail en constant développement sur les archives amène Prisme 14-18 à exposer le résultat de ses recherches en présentant celles qui paraissent avoir le plus influencé le cours de la répression. Un point de situation a déjà été fait sur le fonctionnement de la Justice militaire à l’orée de la guerre (http://prisme1418.blogspot.fr/2014/05/le-code-de-justice-militaire_9.html). Dans la livraison sur les Conseils de guerre spéciaux, les modifications survenues de fin août à début septembre 1914 ont été présentées (http://prisme1418.blogspot.fr/2014/06/cdgs-les-conseils-de-guerre-speciaux.html). 

La présente livraison a pour but d’explorer l’importance du politique dans le fonctionnement des Conseils de guerre et d’essayer d’évaluer l’impact de son action sur les exécutions de 1914 à 1918.
Suivant sa déontologie, Prisme 14-18 fonctionne au plus près des faits et des chiffres, laissant chacun libre d’en tirer ses propres interprétations. Il ne s’interdit pas, toutefois, d’émettre des opinions.
Concernant les faits, nous égrenons chronologiquement les documents officiels retrouvés en leur donnant un titre par périodes découpées.
 

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Désactivation du contrôle politique sur la Justice militaire (1914-1916)
I.  Décret du 17 août 1914:

Source SHD carton 19 N 650

II. Circulaire ministérielle du 1er septembre 1914:

Source SHD carton 19 N 650

III. Intervention du général Joffre


 Source SHD carton 5 N 66

III. bis Réponse du Ministre de la Guerre ce même jour


Source SHD carton 5 N 9

III. ter Réponse du Président de la République le 6 septembre

 Journal Officiel du 07/09/1914 page 7866

Mise sous contrôle de la Justice militaire suite à initiative parlementaire (avril 1916 – avril 1917)

IV. Loi du 27 avril 1916

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 Source SHD carton 7 N 171 - Capture d’image d’Yves Dufour

V. Décret du 8 juin 1916


Source SHD carton 19 N 650

Rétablissement du droit de grâce présidentiel sans restrictions

VI. Le Décret Painlevé, 20 avril 1917

 Sources SHD cartons 16 N 2112 et 18 N 38

Les mutineries : nouvelle désactivation du contrôle politique (juin – juillet 1917)

VII. Verbatim d’une réunion tenue à Compiègne, vraisemblablement entre le 3 et le 5 juin 1917
(auteur du verbatim : le colonel de Barescut, Chef d’État-Major du Grand Quartier Général ; archives privées)




Transcription du verbatim ci-dessus:


VIII. Décret du 8 juin 1917, notifié aux Armées le 10 juin
Suspension du droit de recours en révision pour les individus condamnés à mort par application des articles 208 et 217 du Code de Justice Militaire.

 Source AM de Sens - Journal officiel du 10/06/1917 page 4502

IX. Dépêche ministérielle N° 10460 C/10 du 11 juin 1917

Cité in P. Painlevé, Comment j’ai nommé Foch et Pétain, Félix Alcan, Paris,
424 pages, page 145

Remise sous contrôle politique (définitif) (juillet 1917 – novembre 1918)
 
X.  Lettre du 13 juillet 1917, de Pétain à Painlevé

« Le décret du 8 juin 1917 a suspendu le recours en révision contre les condamnations à mort prononcées par application des articles 208 et 217 du Code de Justice Militaire et votre dépêche du 11 juin 1917 n°10460 C/10 a conféré à l’autorité militaire le droit d’ordonner, dans certains cas, l’exécution de la peine capitale. Ces mesures avaient été motivées par les actes collectifs d’indiscipline qui s’étaient produits dans certaines unités.
Le calme étant aujourd’hui rétabli dans les armées, je vous propose de faire reprendre par le gouvernement les pouvoirs dont il avait bien voulu se dessaisir et de rétablir le recours en révision temporairement suspendu par le décret du 8 juin. »
Signé : Pétain »
 

Cité in Guy Pedroncini, Les Mutineries de 1917, PUF, Paris, 2ème édition, mai 1983, 328 pages, page 210 ; d’après le carton SHD (GQG 2e Bureau) 2643 (cotation changée depuis).

XI. Lettre du 16 juillet 1917, de Pétain à Painlevé



Cité in Guy Pedroncini, Les Mutineries de 1917, PUF, Paris, 2ème édition, mai 1983,
328 pages, page 210, dans le même carton que la lettre précédente. 

Fin des modifications opérées par le politique (exécutif et législatif) dans le fonctionnement de la Justice militaire aux Armées
Cas particulier des Conseils de guerre permanents siégeant en Régions Militaires

Les Conseils de guerre permanents à Paris, dans les Régions Militaires et en Algérie, à la différence des Conseils de guerre aux Armées, sont restés, à faible  désactivation du contrôle politique. Comme en temps de paix, ils ont fonctionné à 7 juges et les fonctions de Rapporteur (Juge d’Instruction) et Commissaire du Gouvernement sont restées distinctes.
Le droit d’appel a été suspendu mais le recours à titre exceptionnel à la grâce présidentielle ne leur a été intimé que temporairement, jusqu’au 15 janvier 1915 :

 
Source SHD Carton 6 N 93

Les Conseils de révision vont être rétablis comme pour les Conseils de guerre aux armées, mais leur composition sera mixte : magistrats et militaires.
Extrait de la « Loi relative au fonctionnement et à la compétence des tribunaux militaires en temps de guerre » :

Source AM de SENS : Journal Officiel du 28 avril 1916, pages 3612

Nous sommes donc dans un fonctionnement de la Justice militaire tout à fait différent de celui qui s’applique aux armées : droit de regard systématique du Président de la République dès le 15 janvier 1915 (aux armées seulement le 20 avril 1917) et dès avril 1916, un conseil de révision sous la présidence, non d’un militaire – comme aux Armées – mais d’un magistrat.
Cette différence de fonctionnement se traduit par un niveau d’exécutions sans commune mesure avec celui du front. Dans nos statistiques, nous avons 18 soldats exécutés au niveau des Régions Militaires tout au long de la guerre dont 14 pour meurtre et 4 pour trahison. Il y a débat sur le vocable « fusillés pour l’exemple ». Il est sûr que les  soldats condamnés à mort puis exécutés suite à sentence des Conseils de guerre permanents ne peuvent en aucun cas être assimilés à des « fusillés pour l’exemple ». Ces Conseils de guerre permanents, situés à l'arrière, ne pouvaient, de par leur localisation, logiquement  condamner pour infractions « en présence de l'ennemi », motifs sources de la majorité des exécutions en 14-18.
Ils n’entrent, de toutes façons, statistiquement, que de façon marginale dans le décompte des fusillés.
Globaliser les  exécutés au front et ceux qui l’ont été à l’arrière est scientifiquement non pertinent, source de confusion.

Réflexions à la lecture de ces comptes-rendus et documents officiels, une fois la guerre déclarée.

Premier constat (août 1914 – 27 avril 1916)

Dès le premier mois de la guerre, le pouvoir politique diminue les garanties de défense pour les justiciables (Décrets du 17 août et du 1er septembre : le Président de la République se dessaisit dans l’esprit de son droit de grâce). Il aggrave ensuite cette tendance en créant les Conseils de guerre spéciaux (6 septembre 1914). Ceci étant, en l’occurrence, on ne peut ignorer le contexte. Le pays est en passe de perdre la guerre. Ce sont des mesures de Salut Public.

Deuxième constat : les choses bougent à partir d’avril 1916

La Loi du 27 avril 1916 rétablit les circonstances atténuantes, sursis et supprime les Conseils de guerre spéciaux.
Le Décret du 8 juin 1916 rétablit les conseils de révision, donc le droit d’appel suspendu le 17 août 1914.

Commentaire de citoyen : pourquoi avoir attendu si longtemps ? Dès le mois de novembre 1914, le risque de défaite n’existant plus, rien n’empêchait de mieux encadrer le fonctionnement de la Justice militaire.
Troisième constat : le nouvel aménagement du 20 avril 1917
Dorénavant, le Président de la République reprend ses prérogatives de protection des citoyens. Nulle exécution ne peut plus se faire sans son autorisation.

Nouveau commentaire de citoyen : pourquoi cette garantie, accordée en temps de paix à tout citoyen, n’a-t-elle pas été restituée dès novembre 1914 ?

Nouveau durcissement lors des mutineries
Après une proposition verbale de Painlevé refusée par Pétain (pièce VII.), advient un retour,  quasiment, aux errements du début de guerre.

Décret du 8 juin 1917 sur la suspension de l’appel pour les mutins, Dépêche ministérielle du 10 juin donnant à Pétain l’autorisation de s’abstraire de la directive du 20 avril 1917 en retenant à son niveau la décision éventuelle d’exécution.
 
Commentaire : mesures circonstancielles à hauteur de la peur éprouvée au niveau politico-militaire, rapportées dès le 13 juillet 1917 après un mois de mise en œuvre.

Question : ces différentes mesures de 1914 à 1918 ont-elles consisté en gesticulations ou bien ont-elles eu des effets en ce qui concerne le volume des exécutions globales et son évolution dans le temps ?

Pour répondre à cette question, Prisme 14-18, après les faits, s’est tourné vers les chiffres, en vue de confrontation.


Cette confrontation fait sauter aux yeux que la première hypothèse de travail de Prisme 14-18, qui était que le niveau d’exécutions devait être corrélé avec l’intensité des combats, ne s’est pas vérifiée. Cette hypothèse s’appuyait sur le raisonnement selon lequel la justice devrait se montrer d’autant plus terrifiante que les hommes seraient plongés dans des situations extrêmes.
On pourrait soutenir cette corrélation en début de guerre, summum des pertes et summum des exécutions. On pourrait la considérer encore comme pertinente sur une grande partie de l’année 1915, année caractérisée par une foule d’offensives décousues, toutes courtes en durée mais très meurtrières (seules les plus marquantes sont signalées en bas de graphique). 
Mais elle ne peut être considérée comme telle quand on observe la courbe des exécutions lors des terribles combats sur longue durée à Verdun et sur la Somme. La courbe se retrouve en effet, lors de cette période paroxystique, à un étiage bien plus bas qu’au cours du « grignotage » de l’année précédente.
Il serait surprenant d’énoncer que cette baisse dans la sévérité de la justice militaire serait sans liaison avec la promulgation de la loi du 27 avril 1916 : circonstances atténuantes, loi du sursis, suppression de cette parodie de justice qu’étaient les Conseils de guerre spéciaux.

Comment imaginer que le rétablissement du droit d’appel par décret du 8 juin 1916 n’a pu faire chuter la courbe des fusillés ?
Si l’on prétendait cela, la seule explication serait la survenue d’une modération née au sein du haut commandement. Aucun document jusqu’à ce jour n’a été trouvé permettant d’imaginer cette hypothèse. Le discours disciplinaire est toujours resté aussi rigoureux dans la forme.
Des juges qui, hors hiérarchie militaire, se seraient mis à moins condamner de leur propre initiative ? C’est difficile à concevoir.

L’effet du décret du 20 avril 1917 se laisse moins évidemment deviner sur le graphique car ce décret a précédé de peu les mutineries.

Il est curieux de constater que les deux importantes améliorations au profit des justiciables ont été annoncées dans des périodes de tension extrême : avril 1916, au cœur des combats de Verdun, et 20 avril 1917, en pleine déconfiture de l’offensive Nivelle. On est désormais dans des niveaux d’exécution bien inférieurs aux périodes précédentes.

Naturellement le mouvement des mutineries entraîne une désactivation du contrôle politique similaire à celui produit en août-septembre 1914. On est là à nouveau dans une période d’exception et le pouvoir exécutif recourt à des mesures d’exception.
Cependant, contrairement à 1914 – forte différence –, les mesures d’exception ne sont pas maintenues au-delà de cette dite période.
Dès mi-juillet, on repart sur le principe acté le 20 avril 1917. On ne peut pas imaginer que le respect de ce dernier ne puisse être en rien responsable de la chute définitive du nombre de fusillés jusqu’à la fin de la guerre, surtout si on se remémore que l’année 1918, à partir du mois de mars, a été marquée par des combats d’une effroyable intensité, à partir d’un matériel de guerre terriblement plus meurtrier qu’en 1914.

Pour en terminer avec cette évaluation du poids et de la responsabilité du politique dans le fonctionnement de la justice militaire, évaluation qui ne peut qu’intéresser le citoyen qui y voit le fonctionnement d’une démocratie en temps de guerre, il faut, sans y insister, mettre l’accent sur deux comportements de l’exécutif à deux périodes, il est vrai, critiques.
Le 3 septembre 1914 et début juin 1917, deux ministres de la guerre très différents, Millerand et Painlevé, ont chaque fois proposé à l’autorité militaire de lui laisser assurer l’obéissance dans l’armée sans contrôle des représentants élus des citoyens. Il est symptomatique de découvrir dans les deux documents non officiels cités dans cette livraison, l’affirmation, griffonnée chez Millerand, verbale chez Painlevé, que ces deux derniers n’ont aucune réticence à affirmer qu’ils « couvriront » toutes les  mesures prises, mesures dont ils savent que certaines d’entre elles seront prises en dehors de toute légalité, puisque aucune restriction n’apparaît dans leur affirmation.
Ce constat objectif se doit d’être accompagné de précisions, faute de quoi il pourrait donner lieu à interprétations.

Si la responsabilité du politique est, à nos yeux, essentielle, il est légitime que les citoyens n’en restent pas là. L’étude des dossiers montre assez souvent qu’avec un tel système, quasiment sans contrôle, certains généraux ou officiers supérieurs ont utilisé, parfois avec zèle, cette opportunité. Mais nombreux aussi ont été ceux qui ont jonglé avec ces directives pour tenter d’amortir la logique meurtrière de cette justice militaire. Il nous manque à ce sujet des études plus approfondies pour permettre, sinon de quantifier, du moins de bien percevoir comment cela a fonctionné.

Pour l’instant, en l’état de nos recherches, nous n’avons trouvé que peu de violations de la loi par le commandement militaire : le colonel Auroux présidant illégalement le jury qui a condamné Bersot à mort, un général ordonnant la mise à mort à froid, sans jugement, des sous-lieutenants Herduin et Millant à Verdun, etc. On conçoit bien d’ailleurs qu’il y ait eu peu de violations tant le champ était laissé libre légalement aux risques d’abus. Cette loi, dans sa terrorisante sévérité, a été utilisée par le haut commandement sans chercher à l’humaniser, mais sans aller au-delà sauf dans des cas  qui restent encore à découvrir.
On ne peut qu’observer que les modifications en cours de guerre ont été manifestement répercutées, puisque tendant à humaniser la justice militaire, elles ont bien eu cet effet si l’on prend comme indicateur l’évolution à la baisse de la courbe des exécutés.

En publiant cette étude, Prisme 14-18 est conscient de sortir un peu de la méthodologie historienne. Constitué de membres attachés à la recherche de la vérité à partir d’une exigence citoyenne, ce collectif ne s’interdit pas de franchir des frontières poreuses.

Le résultat de longues recherches, exposé synthétiquement ici, l’amène à s’interroger sur l’apparente timidité actuelle de l’État d’aujourd’hui face à la question. A la lecture de ces documents aujourd’hui retrouvés et du graphique élaboré à partir de ces documents, il est évident que c’est notre appareil exécutif, qui a dosé, et c’était son droit, voire son devoir, le niveau de répression en ces temps d’exception.

Dans la question des fusillés, on est au cœur du fonctionnement de la démocratie en temps de guerre, de la nôtre dans le cas présent.
On mesure bien combien l’État a joué un rôle primordial en 1914. Il a disposé de la censure, des moyens de communication et a pu, comme dans ses directives très confidentielles du début de guerre ou dans ses apartés avec des chefs militaires, mener une politique à l’abri du regard des citoyens. Prisme 14-18 se demande si ce n’est pas cette constatation qui explique cet apparent flottement de l’État dans la commémoration actuelle de cette guerre dans laquelle il ne fait pas réfléchir à cette importante question, d’autant plus importante qu’elle n’est pas inactuelle dans le monde d’aujourd’hui et de ses turbulences.

Pourtant, spécifiquement, sur le problème des fusillés dont il faut rappeler que leur dossier de jugement en Conseil de guerre portait en tête « République Française », dont la notification de leur condamnation à mort portait en préambule « Au nom du Peuple français », l’État ne peut s’exonérer de toute interrogation sur sa responsabilité concernant les conditions de leur mise à mort.

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S’aventurant un peu plus loin sur son interrogation citoyenne, Prisme 14-18 se demande s’il est bien conforme à la réalité historique, et à la formation civique, d’aller installer un espace mémoriel au sein du Musée de l’Armée, geste symbolique paraissant laisser entendre que la question des fusillés est une question simplement militaire, déconnectée de la représentation nationale.
Disposant de sa liberté d’appréciation du résultat de ses recherches, il tient à faire partager ses interrogations citoyennes sur la manière la plus efficace de faire de la commémoration du premier conflit mondial un moyen d’approfondissement des processus démocratiques au sein de notre République.


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Dernière minute

Au moment de la mise en ligne de cette livraison, le Prisme apprend avec plaisir que la promesse faite par le Président de la République de mettre en ligne les dossiers de procédure des soldats fusillés pour l’exemple, vient d’être tenue et que dorénavant, il est possible de les consulter. La numérisation paraît de qualité et l’accès aux dossiers se fait facilement. Les travaux statistiques du Prisme vont être grandement facilités et multipliés.

Le Prisme va se pencher avec attention sur cette manne archivistique brute pour la disséquer et la confronter à ses propres sources. Cela va demander du temps, mais le Prisme privilégie l’expertise scientifique à la production hâtive de travaux. C’est un nouveau départ pour ses recherches, les données nouvelles devant passer au prisme des critères scientifiques d’établissement de la réalité historique. Le Prisme se met donc au travail.

La lecture de la présentation sur le site Mémoire des Hommes de la Justice Militaire nous a amené à relever, d’ores et déjà, un certain nombre d’erreurs qui, nous l’espérons, seront rapidement corrigées de manière à ce qu’elles ne soient pas reproduites par les chercheurs en toute bonne foi, compte tenu de la notoriété de la source officielle qui les a produites.

1) Les Conseils de guerre permanents dans les Régions militaires ne sont pas à 5 juges mais à 7, en temps de paix comme en temps de guerre (Code de Justice Militaire 1857, modifié 1875, Livre Premier, Titre Premier, Chapitre 1er, article 3). A noter que l’Algérie, avec ses trois départements français, est une Région militaire à part entière : la 19ème. Ses Conseils de guerre fonctionnent donc avec 7 juges comme chez ses homologues hexagonales. Au Maroc, théâtre d’une guerre, les Conseils de guerre sont, eux, à 5 juges, avec décision d’exécution au niveau du Résident Général.

2) La phrase suivante ne correspond pas à la réalité :

« Un reflux se fait toutefois sentir, puisque dès le 15 janvier 1915 les dossiers de condamnés à mort doivent à nouveau être soumis au Président de la République avant exécution, sauf nécessité absolue de répression immédiate : l’usage du droit de grâce redevient la règle et l’exécution immédiate, l’exception. »

En réalité cette mesure n’est pas applicable aux Armées. Elle ne concerne que les Conseils de guerre permanents. Le droit de grâce ne deviendra la règle aux Armées que le 20 avril 1917 (voir plus haut le texte correspondant, extrait des archives du SHD)

3) Autre phrase litigieuse :
« Après cette date (27 avril 1916), le fonctionnement de la justice militaire ne connaît plus de transformation fondamentale. »
Comme exposé ci-dessus, s’il ne s’agit pas de « transformation fondamentale », le décret ministériel du 20 avril 1917 rendant obligatoire aux Armées la transmission des dossiers des condamnés à mort au Président de la République est d’une très grande importance. Il s’agit de la mise sous tutelle politique totale de la Justice militaire.

« L’institution reste toutefois considérée comme un instrument disciplinaire, comme en témoignent les modalités de son action lors des mutineries du printemps 1917 : à la demande du général Pétain, un décret en date du 8 juin 1917 supprime toute voie de recours pour les militaires reconnus coupables de rébellion, insubordination et embauchage de militaires. »

Pour être complet, il a été oublié le document du 11 juin 1917 que l’on peut retrouver plus haut dans notre livraison, lequel durcit le décret du 8 juin 1916, puisqu’il autorise le Commandant en Chef à arrêter à son niveau la décision d’exécution d’un condamné.


Le Général Pétain usera 7 fois de cette autorisation.

Pour être encore plus complet, il faudrait citer aussi (voir plus haut) le décret du 13 juillet 1917, qui rétablit la situation judiciaire aux conditions prévues par le décret du 20 avril 1917. Ce n’est qu’à partir de ce 13 juillet 1917, et non du 8 juin 1916, qu’il n’y aura plus de « transformation fondamentale ».

Ces dates ont leur importance.

Pour notre prochain travail, nous allons nous appliquer à comprendre la logique des tableaux regroupant les exécutés. Il nous faut un peu de temps.



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